Depuis plusieurs mois, France Nature Environnement 06 alerte les acteurs du département sur les dangers liés à la sécheresse: risques incendies et pression sur la ressource en eau accrus avec la hausse des températures estivales et l’arrivée des touristes, orages violents à venir cet automne… Nous avons adressé au préfet un courrier pour impulser des démarches cohérentes et concertées pour la gestion de cette crise qu’aucun citoyen ne peut ignorer aujourd’hui.
Notre département est régulièrement touché par des épisodes de sécheresse. En cette saison, la situation est particulièrement critique avec un déficit hydrique de 40 à 60 % par rapport à la normale sur l’ensemble du territoire. Ce qui se traduit par un débit des cours d’eau très faible, voire un assèchement de certaines sources alimentant nos villages, et par un niveau historiquement bas de la nappe phréatique de la basse vallée du Var qui assure les besoins en eau d’une grande partie de la zone littorale densément peuplée. Cette situation a conduit le préfet à :
- approuver le plan d’action sécheresse du département des Alpes-Maritimes le 17 juillet 2019,
- déclencher le stade de vigilance sécheresse le 09 mars 2022 sur l’ensemble du département,
- consulter le comité ressource en eau des Alpes-Maritimes le 25 mars 2022,
- déclencher le stade d’alerte sécheresse le 31 mars 2022 sur de nombreuses communes du département avec la mise en place de mesures de restriction d’usage de l’eau.
Si, on avait l’habitude d’estimer notre département quasiment autonome pour son alimentation en eau, fort de sa situation climatique avantageuse avec la présence des Alpes, de la mer et de ses réservoirs naturels (nappes et massifs karstiques), la sécheresse de 2016 a laissé des séquelles et traumatismes toujours vivaces, et les différentes situations déficitaires qui se sont succédées, ont montré les limites de cette impression d’autonomie qui impose dorénavant une gestion prospective, globale et permanente de la ressource en eau de notre département.
Nos associations s’inquiètent des conséquences de cet épisode de sécheresse sur notre ressource en eau et sur l’équilibre des milieux naturels. D’autant plus que ce phénomène va devenir de plus en plus fréquent et intense avec le changement climatique en cours, comme le prévoient les projections scientifiques. Nos inquiétudes portent sur :
- l’aggravation du risque incendie de forêt,
- l’augmentation des risques liés au ruissellement des eaux pluviales (glissements de terrain, inondations, etc)
- les impacts sur les milieux naturels, les espèces animales et végétales, la biodiversité des zones humides,
- l’aggravation de la pénétration du biseau salé et la contamination des nappes souterraines de la basse vallée du Var,
- la concentration des effluents, rejets et autres polluants dans les cours d’eau entrainant un impact lourd sur les milieux et une restriction des usages (ex. Riolan affluant de l’Estéron),
- l’aggravation du déséquilibre du cycle hydrologique local des hauts bassins engendré par les prélèvements hivernaux pour l’enneigement artificiel,
- le dépérissement du couvert forestier,
- les effets cumulés des besoins générés par les grands programmes immobiliers.
La tropicalisation du climat azuréen est maintenant reconnue, mais la modification climatique n’est pas seule en cause. La modernisation du mode de vie et les habitudes d’abondance ont entraîné la perte des gestes économes et respectueux de la ressource des générations passées, sans oublier les usages incohérents de l’eau potable (BTP, arrosage des espaces publics, stades, pelouses, golfs, hippodrome, neige de culture, etc. etc.), avec l’abandon dans de nombreux secteurs de la double distribution d’eau (potable ou non) par mesure de facilité et de rentabilité par le gestionnaire. Tout cela représente un vaste gaspillage, qu’il est urgent de définir et de corriger en amont. La révision totale de notre système de gestion est urgente et indispensable.
Et nous attendons du nouveau Plan d’Action Sécheresse qu’il élargisse ses prérogatives au-delà de la seule gestion de crise « sécheresse », et travaille sur le long terme en incluant les nombreux aspects de la gestion de l’eau, et le bon fonctionnement des milieux dans leur globalité. Mais cela impose également une révision globale des usages de l’eau adaptée aux capacités quantitatives et qualitatives de la ressource, particulièrement en eau potable, à commencer par l’urbanisation et l’aménagement du territoire, pour favoriser sa résilience et retarder au mieux les états de crise et leurs mesures de restriction, priorisation de la distribution d’eau potable, maintien des milieux aquatiques, des usages économiques, et toutes leurs conséquences.
En effet, notre département ne peut plus se contenter de combiner la diminution quantitative de la ressource parallèlement à l’augmentation des besoins, générés notamment par une densification exponentielle de la zone littorale, impulsion croissante qui perdure depuis plus de 60 ans.
Le décret du 23 juin 2021 développe une stratégie basée sur l’évaluation des volumes prélevables pour les activités humaines en compatibilité avec le respect des écosystèmes. En suivant le principe de cette démarche, l’aménagement de notre territoire doit enfin s’orienter vers une gestion équilibrée et prospective, en cohérence avec ses ressources et ses besoins, ses richesses et ses carences. Imposer par exemple, la valorisation généralisée des eaux issues du traitement par les STEP, (arrosage des espaces publics, stockage pour les incendies, etc.). Analyser les besoins et habitudes de consommation en eau potable ou non de chacun des secteurs économiques pour y répondre au plus près. Adapter les plans de densification urbaine aux capacités quantitatives et qualitatives de fourniture en eau potable et non potable. Limiter l’impact des feux de forêt avec une gestion cohérente de l’urbanisation et des besoins du SDIS (accès, réserves d’eau, etc.).
Mais à cela, il nous semble essentiel d’ajouter la mise en chantier d’un profond travail de communication auprès des publics de tous âges et des acteurs économiques, et d’organiser leur participation, afin qu’ils s’approprient, chacun à leur niveau, la gestion de la ressource pour aboutir à la modification des comportements individuels, amener l’acceptation de la sobriété et un usage plus vertueux de ce bien si précieux.